15 septembre 2006
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Nous voici revenus en période d'élaboration des budgets. La danse de la peur peut être observée un peu partout. De quoi s'agit-il ? Paul, directeur de division dans un groupe industriel, présente son budget. L'exercice 2006 a été mauvais, 2007 ne s'annonce pas terrible, les marges diminuent et Paul, en gestionnaire prévoyant, tient compte de tous ces paramètres pour présenter un budget prudent. Mais son président lui renvoie ses feuilles Excel à travers la figure.
- Je ne peux pas présenter ça aux Espagnols, grogne-t-il. La baisse des marges ne passera jamais.
- Mais c'est la vérité du marché, plaide Paul.
- Je ne veux pas le savoir, rétorque son boss en tournant les talons.
Trouvez des solutions. Vous êtes payé pour ça. Enfin... jusqu'ici.
Voilà une scène typique de danse de la peur. Premier temps, un opérationnel compétent et bien informé propose une prévision fondée sur des faits réels et des estimations plausibles. Deuxième temps : un politique analyse ces données en terme de risque d'embêtement venus des actionnaires. Troisième temps, il fait redescendre le risque sur l'opérationnel. Si vous vous trouvez dans la situation de Paul, vous avez à ce moment-là plusieurs options.
Vous pouvez jouer le jeu. Vous allez donc "habiller la mariée" en tablant sur des prévisions volontairement optimistes et en faisant semblant d'y croire. Exemple : une croissance à 3 %... Vous achetez ainsi la paix pour votre boss, et pour vous pendant six mois.
Une astuce pour gonfler les prévisionnels est d'y inclure des projets de développements ou d'économies suffisamment complexes pour avoir mille bonnes raisons de capoter en cours de route sans que ce soit la faute de personne.
Vous pouvez aussi bloquer le système. Vous refusez d'entrer dans la logique politique mais votre obstination à dire la vérité va poser un problème à toute la chaîne. Dans ce cas, le système se protège, automatiquement et inconsciemment, et élimine un jour ou l'autre l'élément déstabilisateur. C'est la peur qui fait agir la plupart des acteurs de l'entreprise. La peur d'avoir des ennuis, de ne pas être valorisé, de se faire virer, de paraître ridicule ou incompétent, de rater une promotion ; en un mot, la peur de prendre des risques. Une fois que vous avez compris cela, la politique d'entreprise devient beaucoup plus lisible. Si vous refusez d'apprendre ces pas, tôt ou tard, il vous faudra aller danser ailleurs.