Persuadé d'avoir du talent, l'incapable est du coup très sûr de lui. Un atout, hélas!, face aux recruteurs.
Les personnes incompétentes dans leur domaine professionnel sont toujours les dernières à le savoir. Ne doutant de rien, elles ne se rendent pas compte qu'elles sont contreperformantes.
Justin Kruger et David Dunning, psychologues à la Stern School of Business de New York, ont analysé ce "syndrome". Ils ont soumis 45 participants à un test de compétence logique, leur ont fait analyser leurs performances, puis leurs résultats: les plus mauvais - ceux qui obtiennent 10% de bonnes réponses - sont persuadés d'avoir réussi 60% du test. Qui plus est, ils prétendent être capables d'obtenir 70% de réponses correctes.
Pour Kruger et Dunning, ce manque de lucidité révèle une incapacité chronique à l'autoévaluation : c'est son incompétence - synonyme, par ailleurs de mauvais résultats professionnels - qui empêche le participant d'analyser ses capacités et ses manques. Le plus inquiétant, c'est que ce cocktail d'incompétence et de confiance en soi constitue un moteur de réussite professionnells.
Propulsé par la certitude d'être efficace, l'incompétent n'a paradoxalement aucun complexe à vanter ses atouts et à se mettre en avant. Or, entre deux candidats ayant le même CV, un recruteur choisira plutôt celui qui promet les meilleurs résultats. A contrario, les participants ayant obtenu 90% de bonnes réponses au test de la Stern School sont trop modestes: ils estiment avaoir réussi 70% des épreuves. Dans la vie professionnelle, ils auront tendance à se sous-estimer, au point de manquer d'ambition dans leur carrière. Et au risque de laisser passer devant eux des incompétents toujours sûrs d'eux.
L’incompétence peut-elle se soigner ? Dunning et Kruger pensent que oui : d’après une autre de leurs expérimentations, une formation adéquate aide les sujets incompétents à prendre conscience de leur inaptitude... et donc à progresser. Le malheur, c’est que le plus souvent, face à un incompétent, on a tendance à se taire, à fuir, ou à l’ignorer poliment. C’est un mauvais service à lui rendre : seul un autre son de cloche peut aider un incompétent à sortir de son incompétence. C’est aussi un mauvais service à nous rendre à nous mêmes : les incompétents finissent toujours par nous empêcher de travailler. Alors, la prochaine fois que vous entendrez un incompétent parler, expliquez-lui gentiment, mais fermement qu’il dit une connerie. Sinon, il pourrait devenir, mettons, ministre ou directeur de la fiction sur une chaîne publique de télévision. Et ça, ce serait dramatique.